#10 Les profs (du public) sont-ils toujours absents ?
Déjà qu'on n'en pas pas beaucoup, si en plus ils sont absents...
Bonjour à toutes et à tous.
Lundi 15 janvier 2024 et voici ma dixième Réplique. On essaie de suivre le rythme des annonces ministérielles !
Nous sommes déjà plus de 665 Répliqueurs, soit 20 de plus qu’il y a 5 jours et je vous en remercie. Aidez-moi à passer le cap des 1000 et partagez la Réplique !
Cette semaine, on questionne les propos de notre nouvelle Ministre Amélie Oudéa-Castera : les absences des enseignants non remplacées.
Je ne polémique pas sur le fait de mettre ses enfants dans le privé. Mon propos est de questionner l’idée reçue selon laquelle les enseignants sont tout le temps absents, et, de surcroit, non remplacés. Les fonctionnaires sont-ils plus absents que les personnes du secteur privé ? Les enseignants en particulier ? Y a-t-il plus d’absentéisme dans l’école publique que dans les établissements privés ?
La réponse est assez surprenante car c’est l’institution elle-même qui est responsable de 2/3 des absences face aux élèves ; les enseignants sont en outre très peu absents par rapport aux salariés du privé. Ils sont en revanche inégalement remplacés.
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Au programme de la dixième Réplique :
Les propos de la Ministre et la question de l’absence
Les fonctionnaires sont-ils plus absents ?
Et les profs ?
Et les profs du public ?
Le mot de la fin
1. Les propos de la Ministre et la question de l’absence
Le sujet du remplacement des enseignants est un sujet qui préoccupe les enseignants, les parents et même les élèves. Lors de son allocution du 17 avril, Emmanuel Macron avait promis “le remplacement systématique des enseignants” absents dès la rentrée scolaire 2023.
Lors de son premier déplacement vendredi dernier, la nouvelle ministre de l’Éducation, Amélie Oudéa-Castéra, rebondit sur les propos d’un journaliste, évoquant la scolarisation de ses enfants dans le privé en raison de sa «frustration» devant «les paquets d’heures» d’enseignement «qui n’étaient pas sérieusement remplacées».
Et en effet, si les professeurs s’absentent majoritairement pour raisons de santé, la cour des compte juge que «trop d’absences liées à l’organisation du service public lui-même amputent les emplois du temps des élèves».
Une première action collective menée en 2022 par des parents d’élèves attaque d’ailleurs l’État en justice pour non-respect des obligations de l’État en matière d’éducation.
La plateforme OnVeutDesProfs permet d’ailleurs aux parents de saisir le tribunal administratif au-delà de plus de deux semaines d’absence d’enseignant non remplacée.
Dans son mea culpa du 13 janvier, la Ministre d’ajouter : «L’année scolaire dernière, 15 millions d’heures n’étaient pas remplacées. C’est autant de pertes de chances pour notre jeunesse et son éducation». «Ce problème, nous en avons fait un combat. En passant déjà de 5 à 15 % d’absences remplacées. En changeant l’organisation des formations pour qu’elles ne se fassent plus sur les temps devant élèves, poursuit-elle. Il reste beaucoup à faire.»
2. Les fonctionnaires sont-ils davantage absents que dans le privé ?
Les collectivités publiques sont confrontées depuis plusieurs années à une tendance haussière de l’absentéisme de leurs agents. Et elles rencontrent des difficultés pour endiguer cette progression.
Tous secteurs confondus, l’absentéisme est en augmentation depuis 2010. La succession de crises sanitaires et économiques a durablement impacté les arrêts de travail.
Après une progression continue dans la fonction publique depuis le début des années 2000, son taux d’absentéisme s’est stabilisé à son plus haut niveau : 9,7 % en 2022 (Relyens). Bien que supérieur, il s’avère proche de celui du secteur privé (6,7 %, Ayming AG2R La Mondiale) pour des métiers similaires.
3. Et les profs ?
La cour des comptes rappelle que : "la raison principale d’un tel niveau de temps d’enseignement non assuré est étroitement liée aux difficultés tenant aux absences de courte durée", qui ne sont remplacées que dans un cas sur cinq au collège et au lycée.
Mais les magistrats distinguent les "absences devant les élèves" (congés maladie, accidents du travail, maternité, etc.) des "absences au travail" (formations, réunions pédagogiques, voyages scolaires, etc.). Car en réalité, les absences pour des raisons individuelles représentent seulement un tiers des heures "perdues".
Surtout, "les enseignants ne sont pas plus absents que les autres agents de la fonction publique d’État", rappelle la Cour des comptes. Ils le sont même "moins que les agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière" et que les salariés du privé.
Donc, vous avez bien lu :
non seulement les profs sont moins absents que les autres (et même que dans le secteur privé) ;
la perception de leur absence (c’est-à-dire leur absence devant élèves, à distinguer de leur absence “réelle”) est liée au dysfonctionnement de l’institution.
4. Et les profs du public ?
Les enseignants du secteur privé sont moins souvent absents pour raison de santé (36,2 %) et moins longtemps (13,1 jours) que ceux du public.
Ces données ne concernent que le second degré, en raison de l’absence de remontées systématiques des données pour le premier degré dans les bases du ministère. 6 jours de maladie ordinaire, 3,9 jours de congés longs et 2,6 jours de congés maternité.
La réponse est donc : on ne sait pas pour le primaire et un peu plus pour le second degré en ce qui concerne les absences réelles.
5. Le mot de la fin
Le remplacement des enseignants face aux élèves est donc un réel enjeu pour rénover l’éducation car il engage des enjeux de formation, de cohérence et même d’égalité (les enseignants sont inégalement remplacés). Encore faudrait-il le mesurer correctement !
Il est quand même bien injuste de reprocher aux profs leur absence quand les 2/3 sont le faits de dysfonctionnements institutionnels et que ces mêmes enseignants sont significativement moins absents que les salariés du privé.
Si l’on comprend aisément en tant que parent que les absence devant élèves puissent être déplorées, cette parole de la Ministre a de quoi blesser dans un contexte de pénurie d’enseignants (je vous renvoie à la dernière Réplique).
Elle semble mettre en cause l’éthique professionnelle de nos professeurs, pourtant déjà bien maltraités et si dévoués à la cause de l’enseignement.
Merci pour cet éclairage qui remet les choses en ordre !