Bonjour à toutes et à tous.
Samedi 29 mars 2025 et voici ma seizième Réplique.
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Alors que toute mon audience se demande pourquoi je n’envoie plus de Newsletter ou n’écris plus de posts Linkedin, Elisabeth Borne et François Bayrou ont annoncé hier, vendredi 28 mars, la « reconquête de l’écrit » pour m’obliger à sortir de mon engourdissement éditorial.
Vous avez dit « reconquête » ? Un terme fort, presque martial. Reconquête, une action de reprendre ce qu'on a perdu. L’aveu en creux selon lequel l’écrit se serait échappé de nos écoles, qu’il faudrait aller le chercher, le traquer, presque le ramener de force.
Pourtant l’écriture n’a pas tant besoin d’être reconquise que réellement enseignée.
A-t-on jamais vraiment enseigné l’écriture ?
Un récent rapport de l’Inspection générale nous rappelle que 25 % des enseignants de primaire n’enseignent pas du tout l’écrit, et 66% des séances observées sont jugées inefficaces.
Il ne s’agit donc moins de « reconquérir » l’écrit que de le mettre en œuvre, de le pratiquer, de l’enseigner de manière explicite et structurée.
Et c’est pile la mission de Plume, au cas où cela vous aurait échappé.
Excellente nouvelle, donc ! Examinons le plan d’écriture de nos rêves, en attendant les annonces ministérielles.
Au programme de la seizième Réplique :
L’apprentissage de l’écriture en France
Qu’entend-on par écriture ?
La « reconquête ? »
Le mot de la fin
1. Contexte, l’apprentissage de l’écriture en France
Depuis plus de dix ans, toutes les évaluations (Cedre, Pisa, JDC…) nous disent que nos élèves peinent à structurer une pensée écrite, à déployer une argumentation, à rédiger de façon autonome. L’écriture scolaire est fragmentaire : éclatée entre dictées, « les traces écrites » (= la copie du cours) et les « productions d’écrits » (= les rédactions), souvent confiée au bon vouloir des enseignants.
Le rapport de l'Inspection générale de l'Éducation, du Sport et de la Recherche (IGÉSR) intitulé « L'enseignement de la production d'écrits : état des lieux et besoins » met en lumière plusieurs problématiques majeures :
Démarrage tardif de l'enseignement de l'écriture : les premiers enseignements structurés de l'écriture devraient débuter dès la moyenne section de maternelle.
Insuffisance de la formation des enseignants : il existe un manque de formation spécifique des enseignants concernant la production d'écrits. Cette lacune se traduit par une appréhension notable chez certains enseignants à aborder cet aspect sans compter les corrections qui prennent un temps démentiel.
Pratiques pédagogiques hétérogènes : on note une grande variabilité dans les approches pédagogiques adoptées. Cette disparité conduit à des inégalités dans les apprentissages des élèves, certaines méthodes étant jugées inefficaces ou inadaptées aux besoins des apprenants.
Manque de temps dédié à l'écriture : L'IGÉSR constate que le temps alloué à la production d'écrits est souvent insuffisant. De plus, la fréquence des séances est irrégulière. Souvent cantonnées à la discipline français.
Évaluation limitée des compétences en écriture : l'absence d'évaluations spécifiques et systématiques des compétences en production d'écrits dans les protocoles nationaux pose problème. Heureusement Plume a mis au point, avec le soutien du ministère, des tests de positionnement qui seront bientôt livrés en décembre 2027, on en parle plus bas...
Pilotage pédagogique insuffisant : Enfin, l'IGÉSR pointe un manque de coordination et de pilotage efficace au niveau des circonscriptions et des académies concernant l'enseignement de la production d'écrits. Parce que les attendus de fin de cycles ne sont pas établis, faute d’évaluations.
Comme pour l’instant, aucune mesure concrète n’a été annoncée, si on imaginait, nous, le plan écriture de nos rêves ?
2. Qu’entend-on par « écriture » ?
La production d’écrits est une activité d’une extrême richesse, qui mobilise un ensemble complexe de compétences : lexicales (choix du mot juste), syntaxiques (construction de phrases), discursives (organisation du texte), stylistiques (ton, intention, registre), mais aussi cognitives (planification, révision, réécriture) et bien sûr orthographiques.
Pourtant, dans les pratiques de classe, l’écriture est trop souvent réduite à sa seule dimension orthographique.
Ce prisme, bien que légitime, est terriblement réducteur. Il enferme l’acte d’écrire dans une logique de conformité plutôt que de construction de sens. L’élève apprend alors à éviter les « fautes » (on préférera le terme « erreur ») plutôt qu’à formuler sa pensée, exprimer sa singularité. Il se censure, se restreint, perd confiance — là où l’écriture devrait au contraire l’ouvrir, l’armer pour penser et s’exprimer.
Enseigner l’écriture, ce n’est pas « corriger du français ». C’est accompagner une pensée qui prend forme, c’est apprendre à construire, organiser, reformuler, mettre à distance. C’est donner aux élèves des outils pour penser, convaincre, imaginer, transmettre. Et cela suppose un enseignement explicite, progressif, qui ne se limite pas à la correction orthographique en fin de parcours (« la révision textuelle » = la fameuse « relecture »), mais qui structure véritablement le chemin de l’écriture, de la première idée au texte final.
Trop souvent, l’écriture est cantonnée à la seule discipline du français, traitée comme un objet d’étude parmi d’autres, isolée dans des créneaux d’orthographe ou de rédaction.
Or, l’écriture dépasse largement le cadre disciplinaire : elle est un outil transversal, un métalangage qui permet aux élèves de structurer leurs apprentissages dans toutes les matières. C’est là la dimension épistémique de l’écriture : elle ne sert pas seulement à dire, mais à comprendre, à construire, à apprendre.
Du coup, on passe en mode « reconquête » ?
3. La « reconquête ? »
Commençons par un diagnostic précis.
Aujourd’hui, nous n’avons aucune évaluation systématique de l’écriture dans le parcours des élèves, en dehors d’extraits de dictées ou de tests de fluence.
Or on n’enseigne bien que ce que l’on sait évaluer.
Un plan national ambitieux devrait inclure :
Un test de positionnement écrit dès le CE2, poursuivi au collège.
Des critères communs d’évaluation de la production d’écrit (orthographe, syntaxe, cohérence, lexique, etc.).
Des dispositifs de remédiation différenciés (parcours numériques, ateliers d’écriture, tutorat).
Et surtout, une formation initiale et continue solide sur l’enseignement explicite de l’écrit.
Cela tombe bien, car depuis janvier 2024, nous avons mis en place avec Plume une épreuve de positionnement en écriture, pensée comme un outil structurant pour les enseignants.
Cette épreuve, élaborée en partenariat avec le CNRS, et plus précisément l’équipe « Écriture » du laboratoire CERCA, repose sur des fondements scientifiques solides et une analyse fine des productions d’élèves.
Elle permet d’objectiver les compétences scripturales, au-delà des intuitions ou des impressions souvent subjectives. Grâce à de véritables cohortes d’élèves suivies, nous travaillons à faire émerger des attendus de fin de cycle clairs et progressifs, dans une logique de lisibilité, de pilotage pédagogique et d’accompagnement des enseignants. Un pas essentiel pour inscrire l’écriture dans une culture de l’évaluation formative, au service des apprentissages.
4. Le mot de la fin
« Aucun jour sans une ligne » nous enseigne Pline l’ancien. Cette devise célèbre la régularité comme condition de progression, une pratique quotidienne, presque artisanale, où l’on affine sa pensée autant que sa plume.
Oui, nous avons besoin d’un plan d’installation durable de l’écriture dans les pratiques de classe. Pas d’une injonction passagère. Une stratégie de fond, qui considère l’écriture comme une compétence fondamentale, transversale, et émancipatrice (citoyenne).
Installer l’écriture, cela signifie lui donner une place stable dans l’emploi du temps, lui accorder du temps, la penser comme un apprentissage à part entière, avec des objectifs clairs, des progressions cohérentes, des outils concrets, des évaluations régulières — et surtout, une formation adaptée pour les enseignants.
C’est exactement la mission de Plume.
Former, outiller, accompagner : telle est notre ambition, à hauteur d’élève et au service de l’École.
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