#1 La première Réplique
Qu'est-ce que la Réplique et pourquoi j'ai quitté l'Éducation nationale. De professeure de Lettres Modernes à CEO d'une start-up EdTech.
#1 Réplique
Bonjour à toutes et à tous.
Lundi 22 mai 2023, Il est 18h33 la première édition de la Réplique est lancée.
Nous sommes déjà plus de 270 répliqueurs alors que je n’ai encore rien écrit. Merci pour cette honorante confiance. Heureuse d’engager cette discussion autour de l’éducation, un lundi sur deux.
Un·e ami·e vous a envoyé cette édition ? Vous pouvez vous inscrire à la Réplique.
Au programme de la première Réplique
Pourquoi cette newsletter ?
Pourquoi ce nom La Réplique ?
Dans cette newsletter, je vous explique pourquoi j’ai quitté l’éducation nationale
Pourquoi j’ai quitté l’Éducation nationale
Mon expérience d’enseignante
La naissance de Plume
Ces deux moments ont eu l’effet d’une révélation sur moi
Avant de me lancer dans le vif du sujet, quelques petites explications.
Déjà pourquoi cette newsletter ?
Comme je le dis ici, parce que le sujet de l’éducation me passionne, qu’il intéresse un grand nombre de personnes alors même que ce sont des idées reçues qui façonnent nos raisonnements.
Je vais donc chercher à vous faire part de mon expérience et de mes découvertes : en tant qu’enseignante tout d’abord, puis en tant que fondatrice de Plume, un assistant d’écriture intelligent qui accompagne les enfants de primaire et de collège dans l’expression écrite grâce à l’intelligence artificielle.

Pourquoi ce nom La Réplique ?*
Le terme "réplique" peut avoir plusieurs acceptions en fonction du contexte.
Dans le domaine du théâtre, une réplique désigne la réponse d'un acteur à une tirade ou à un dialogue avec un autre personnage. C’est parce que l’art (et la beauté en général) sont si nécessaires que j’ai choisi ce terme.
La réplique est une sorte de copie, nous invitant à nous inspirer de ce que fonctionne déjà ici ou ailleurs.
Dans le domaine de la recherche scientifique, une réplique peut désigner une expérience dans le but de confirmer ou de réfuter une hypothèse. C’est l’idée que nous devons nous appuyer sur la science pour construire un modèle d’éducation performant et fiable.
Dans cette newsletter, le terme "réplique" se veut une réponse, une continuation de la pensée. Une réflexion sur l’éducation par la tech. Et même l’éducation en général.
*J’adresse une pensée affectueuse à mon ami Laurent Jolie, fondateur de Lalilo, qui chérit ce terme en ce qu’il réfère aux zones dites “REP”, les zones d’éducation prioritaire sur lesquelles il est si crucial de focaliser notre action.
Dans cette Newsletter, je vous explique pourquoi j’ai quitté l’Éducation nationale.
Pourquoi j’ai quitté l’éducation nationale
Je fais le pari que ma façon de faire est une autre voix/voie pour construire l’éducation des jeunes de demain.
Je fais le pari que nous allons véritablement avoir de l’impact sur la société avec des outils innovants qui sont susceptibles d’inclure tous les enfants dans les apprentissages.
Je fais le pari de la littérature et de la culture pour l’épanouissement du plus grand nombre mais laissez-moi vous dire que cela va un peu plus loin qu’un pari.
J’ai toujours été hyper sensible à l’égalité républicaine et c’est d’ailleurs pour cela que je me suis « engagée » pour l’école publique. Mon petit côté catho a envie de croire qu’il faut de l’espérance pour tous les enfants et spécialement pour ceux qui n’ont vraiment plus rien. J’ai assisté à des situations si précaires, si tristes, si désarmantes que la CPE disait pudiquement : « C’est Zola. » Et c’était pire.
J’ai eu le cœur brisé plusieurs fois devant des situations administratives si inextricables que j’ai acheté sur mes deniers personnels des fournitures à des élèves, parce qu’aucune ligne n’était prévue pour ça. J’ai vu des collègues aller chercher des enfants au foyer d’accueil d’à côté, parce que les éducateurs avaient déserté, j’ai reçu des pierres, j’ai reçu des coups, j’ai eu mes pneus crevés, j’ai pleuré, j’ai été applaudie, j’ai reçu des cadeaux, j’ai vécu des choses si fortes et si incroyables que plusieurs années après avoir cessé d’enseigner, je retourne chaque année dans mon ancien collège et ça me bouleverse.
Mon expérience d’enseignante
J’ai vécu une vie de prof. Si dure et si violente. Si mal considérée et si gratifiante. Au bout de douze années, j’ai décidé que je voulais continuer à me consacrer à l’éducation. C’était ma passion depuis toujours mais il m’était absolument impossible de poursuivre dans les mêmes conditions. Durant l’été 2017, pendant mes vacances estivales, le rectorat se chargea de me donner le signal pour entamer une nouvelle vie.
Alors que nous étions en Écosse en famille, je reçus un e-mail du rectorat m’informant (à tort du reste) de l’arrivée de mon stagiaire de français. Qu’allais-je apprendre à cet hypothétique stagiaire ? Quelle responsabilité pesait tout à coup sur mes épaules ! Que lui transmettre et surtout, comment ? Mes cours étaient-ils empreints d’exemplarité ? Bouillonnante d’idées, j’essayai de clarifier dans mon esprit, ce qui, le plus sincèrement possible, permettait à mes élèves de progresser en français lors de mes cours, si tant est que c’était le cas bien-sûr…
Je réalisai que le plus important demeurait le fait de les faire écrire le plus souvent possible. Je me souviens par exemple d’une classe de quatrième que je trouvais assez « dure » lors de mon retour de congé maternité. J’avais du mal à y imposer une certaine discipline et un jour, à un signal donné par l’un d’entre eux, ils s’étaient tous précipités sous la table. Bon, une bonne blague de potache me direz-vous. Oui, certes. À compter de ce jour, à chaque fois que cette classe arrivait devant ma porte (la classe 110, mon statut de jeune enseignante me reléguait au bout du collège, sans aucune aide ni possibilité d’être épaulée par un·e collègue…), à chaque fois qu’ils arrivaient j’avais la boule au ventre, je n’avais qu’une hâte : que la classe parte. Je mis donc au point le stratagème suivant : à chaque fois que je sentais que la situation n’était plus vraiment contrôlable, j’avais préparé à l’avance un exercice (et même dans certains cas plusieurs…) d’expression écrite.
Imaginez plutôt : je revenais de congé maternité, vulnérable et seule, ne connaissant personne dans ce nouveau collège et terrorisée par des ados de 14 ans qui se chargeaient de me rappeler que c’étaient eux qui avaient le pouvoir, murés dans la toute puissance et en opposition aux apprentissages. Dans cette situation désespérée, il me fallait donc mettre en place quelque chose pour me tirer de cette situation. Je dirais même qu’à ce stade, je n’envisageais pas de transmettre, je souhaitais avant tout que la situation ne devienne pas totalement incontrôlable.
La naissance de Plume
Je préparais donc de nombreux sujets d’écriture, je les éditais à l’avance. Il me suffisait alors de les distribuer et de les mettre en activité. Vous auriez vu ça : incroyable ! Ces tâches d’expression écrite agissaient sur eux comme un filtre d’apaisement et je voyais ces joyeux garnements froncer les sourcils, se concentrer, se grattant la tête pour mettre bout à bout des mots… De la puissance des mots et de leur force d’incantation… Il est absolument indéniable que mettre les enfants en activité dès le plus jeune âge mobilise toutes leurs facultés attentionnelles. Il est absolument incontestable qu’une situation de contrôle, autrement dit de savoir descendant, du prof vers l’élève, est totalement contre-productive dans une situation d’apprentissage performante.
Autre situation qui me revient en mémoire : ces mêmes élèves, évidemment, ne faisaient que très rarement les devoirs que je leur donnais. À cette époque, on enseignait L’Avare en quatrième. Je me heurtais évidemment à plusieurs difficultés. La première était la différence de niveau de français entre celui de Molière et celui de ces jeunes ; la seconde était qu’ils ne préparaient aucun texte, ce qui rendait mes explications totalement inutiles. Je pris donc la décision de leur faire lire le texte en classe. Une grande partie de mes cours se transformait en lecture à voix haute. C’était la seule façon pour moi de leur faire accéder un tant soi peu au texte. Et lors de l’une de ces scènes, l’une de mes élèves (je me rappelle très bien d’elle), prise d’une franche hilarité, se tourne vers moi et me lance : « Mais en fait, c’est drôle ! »
Eh oui, Molière est vraiment drôle. Quelle émotion pour moi de voir que cette jeune fille, que rien ne porte à découvrir Molière, arrive à saisir l’intention dramatique d’un homme né quatre siècles avant elle. C’est à la fois très émouvant et en même temps une expérience extraordinaire.
Ces deux moments ont eu l’effet d’une révélation sur moi.
Cette situation de crise m’avait forcée à mettre en place un enseignement que l’on pourrait juger d’une certaine façon extrêmement efficient : la survie de mon cours en dépendait, il me fallait trouver quelque chose pour canaliser ces adolescents. Je pris conscience de la force de l’écriture, de la littérature et de la culture en général. Ce qui m’avait toujours plu était un levier puissant pour élever tous les enfants, quels que soient leur niveau d’étude, leurs difficultés et leur parcours scolaire.
Je me mis alors à répertorier toutes les situations d’écriture pertinentes pour mes élèves : la classe cinéma et la rédaction des scenarii, les diverses phases d’écriture des projets de classe… Je me mis à chercher l’outil qui permettrait à mes élèves d’expérimenter de très nombreuses situations d’écriture, pas à pas et en fonction de leurs difficultés. Après une longue nuit blanche, mes recherches ayant été infructueuses après de vaines tentatives, Plume naquit dans mon esprit.
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Je vois bien ce que vous avez vécu. Enseigner autrement et dans la joie, c’est possible ! Bravo pour cette newsletter et ce partage d’expériences.
Incroyable newsletter ! Merci pour ce partage authentique et bravo pour pousser au plus grand nombre ce que vous avez vu de votre expérience de prof. Hâte de découvrir Plume avec ma fille de 6 ans 1/2.