#6 Les écrans, c'est le mal.
On réplique à propos de la diabolisation des écrans dans l'éducation.
Bonjour à toutes et à tous.
Lundi 9 octobre 2023 et voici ma sixième Réplique.
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Cette semaine, on réplique sur mon sujet préféré : les écrans, c’est le mal.
On a tous vu les reportages nous présentant des enfants aphasiques et cette interpellation faite au grand public pour bannir les écrans de la vie de ces jeunes.
De l'ordinateur au téléphone portable, les écrans ont envahi le quotidien des enfants et adolescents. À la maison ou à l'école, peuvent-ils avoir des vertus ?
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Au programme de la sixième Réplique :
La polarisation du discours
Impacts sur le sommeil et le langage
Nouvelles manières d’enseigner
Le sujet de l’inclusion et de la personnalisation des apprentissages
Le mot de la fin
La polarisation du discours
Avant d'être une nouvelle donne de l'éducation, les écrans se retrouvent au cœur de discours polarisés, dès lors qu'on questionne leur place dans la vie des plus jeunes.
« On oscille entre un optimisme sans bornes lié à l'arrivée des nouvelles technologies et une peur face au risque de perte de l'attention et celui - fantasmé - d'addiction », note Elena Pasquinelli, chercheure en sciences cognitives, membre de la fondation La Main à la pâte et associée à l'institut Jean-Nicod de l'ENS.
Une tension que l'on retrouve au niveau institutionnel : l'utilisation des technologies numériques se trouve tantôt encouragée, tantôt dépréciée dans le cadre scolaire.
Alors oui, la surconsommation d’écrans est néfaste pour la santé, mais il ne convient pas non plus d’en faire le bouc émissaire de tous maux de la société, et ils sont nombreux !
Une des difficultés c'est que la recherche sur les écrans ne nous donne pas un degré de certitude comparable à celui qu’on trouve dans d’autres domaines : le phénomène est encore trop récent et on manque de recul.
On doit sortir de ces visions mythiques un peu extrêmes : optimisme ou catastrophisme. Le rapport aux écrans est complexe et éteindre ou interdir les écrans ne suffit pas.
Impacts sur le sommeil et le langage
Depuis quelques années, c'est plutôt la méfiance qui domine. Les écrans, c’est le mal. Ils ont envahi les foyers, si en plus l’école s’y met, c’est tout bonnement la catastrophe.
L'usage des écrans dans le cadre familial fait l'objet d'un discours de prévention, initié par le psychiatre Serge Tisseron, relayé entre autres par l'Académie de médecine (en 2013), et plus récemment par la Société française de pédiatrie et l'Union nationale des associations familiales (Unaf).
Une « exposition aux écrans » précoce et prolongée est considérée comme un risque pour le développement de l'enfant, en particulier chez les moins de 3 ans : impact sur le sommeil et les interactions sociales, probabilité de développer des retards de langage, etc. La prévention consiste entre autres à appliquer la règle dite « 3/6/9/12 », qui guide parents et éducateurs vers un « usage raisonné » en fonction de l'âge de l'enfant.
La recherche se penche également sur l'attitude des parents, qui se laissent distraire par les écrans dans les temps qu'ils partagent avec leurs enfants. Il ne fait plus de doute que le rapport à l'écran doit faire l'objet d'une éducation, des enfants comme des parents.
La majorité des études scientifiques s’accorde sur le fait que le temps passé devant des écrans est statistiquement associé à de moins bonnes capacités cognitives. Cette variable du temps est donc fondamentale. Walsh et al. (2018) rapporte que les enfants qui passent plus de deux heures par jour devant un écran ont en moyenne 4,25 points de QI de moins que les autres, et ce indépendamment des autres facteurs.
Nouvelles manières d'enseigner
Les nouvelles technologies questionnent néanmoins les manières d'enseigner.
« L'écran est un "distracteur", et en ce sens il change notre capacité d'attention quand il est à proximité », indique E. Pasquinelli.
Il ne faut donc pas tout lui demander et se demander quels usages permettent d'enrichir l'apprentissage.
Ce n’est pas parce que l’on dispose d’une tablette à la maison qu’on sait s’en servir et c’est ce que le covid nous a clairement montré. J’ai même tendance à penser que c’est précisément l’inverse mais je n’ai rien trouvé de documenté sur ce point.
En France, l’Éducation nationale fait une place à l’éducation au numérique. Mais la pratique est toute autre. Les enseignants sont réputés ne pas aimer le numérique et dans les faits, le numérique est souvent traité via la question de l'outillage.
C’est en réalité un fait culturel et j’observe qu’aux États-Unis, la question que l’on se pose est : Comment utiliser le numérique au service de la performance ?

Le sujet de l’inclusion
Le numérique reste un moyen d’apporter de l’égalité entre les élèves et s’en priver serait une faute.
Plume (comme par hasard) permet, par exemple, aux enfants de traduire leurs consignes dans toutes les langues, d’accéder à un imagier, d’écouter toutes les consignes…
Ce faisant, c’est un important levier d’inclusion au sein de la classe. Il s’agit d’impliquer les enfants dans les apprentissages et surtout les plus fragiles. Je rappelle la prévalence de 10% en termes de troubles des apprentissages des enfants français.
Les écrans de ce point de vue sont une partie de la réponse. Pas toute la réponse, évidemment.
Le mot de la fin
Le mythe de l’usage excessif des écrans associé aux troubles du développement est largement répandu dans les médias et dans l’opinion publique.
En réalité, l’usage du numérique, quand il peut être source d’interactions diverses, est un facteur de développement parmi d’autres.
Il est en effet établi que l’usage du numérique, lorsqu’il est médiatisé et avec un contenu adapté, peut être bénéfique au développement. L’essentiel réside dans la régulation et l’accompagnement de l’usage du numérique. C’est pourquoi l’école a un rôle majeur à jouer.
Certaines familles utilisent les écrans comme des “baby-sitters numériques” tout simplement parce qu’elles n’ont pas les ressources de faire autrement. Les écrans ne sont qu’un “révélateur” d’un problème social plus profond.
C’est le sujet d’une autre Réplique !
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Oui, c'est comme tout. Tout dépend de l'usage d'un outil, qui ne reste qu'un outil. Dans l'éducation, l'outil doit d'abord être aussi service d'un projet pédagogique et d'objectifs précis. Il doit aussi répondre à un réel besoin.
Chapeau bas Aude pour cette sixième édition de la "Réplique". Ta newsletter a non seulement été un délice à lire, mais elle ouvre aussi un espace de réflexion crucial sur un sujet qui nous touche tous : l'impact des écrans dans nos vies et celles de nos enfants. Le mot de la fin a parfaitement démontré la nécessité de voir au-delà des écrans de simples outils ou ennemis, et de les reconnaître comme des révélateurs de problèmes sociaux plus profonds dont nous devons tous, nous saisir. Hâte de lire la suite avec ce teasing de fin 🤗