#8 Qui a peur du grand méchant numérique ?
Où l'on réclame un discours de responsabilisation sur les écrans dans les médias
Bonjour à toutes et à tous.
Vendredi 1 décembre 2023 et voici ma huitième Réplique.
Nous sommes déjà plus de 610 Répliqueurs, soit 90 de plus qu’il y a un mois et je vous en remercie. Aidez-moi à passer le cap des 1000 et partagez la Réplique !
Cette semaine, on s’insurge.
On s’insurge contre la simplification grossière qui ne permet pas à la pensée de se déployer.
Non, les écrans ne sont pas l’origine de tous nos maux. Oui, nous avons beaucoup à perdre à les exclure de nos stratégies éducatives.
Cette Réplique fait l’objet d’une tribune dans les Echos que je remercie pour leur bon accueil. Une tribune écrite avec Orianne Ledroit, Directrice Générale de Edtech France, association dont je suis la vice-présidente.
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Au programme de la huitième Réplique :
Le discours caricatural autour des écrans
Y a-t-il un problème avec les écrans ?
Outils numériques et performance éducative : la posture enseignante
Le sujet de l’inclusion
Le mot de la fin
1. Le discours caricatural autour des écrans
Les discours sur les écrans monopolisent l’attention publique, alimentant les fantasmes et toutes sortes de peurs irrationnelles. Le débat est sérieux. Les enjeux importants. L’heure n’est plus à la caricature mais à la responsabilité.
Dans une école républicaine, où l’immobilisme menace et les inégalités mettent les plus fragiles à genoux, condamner le numérique c’est condamner un levier majeur d’action éducative susceptible de mettre de l’égalité et de l’inclusion au sein de nos classes. Et cela, au nom d’une doxa non étayée scientifiquement.
Mesurons-nous à quel point nos pratiques pédagogiques sont à rebours de l’innovation et de la performance éducative que nécessite une politique ambitieuse de l'État pour préparer la Nation au choc du numérique et à la course à l’innovation ? Non. En témoigne notre recul régulier au classement PISA (le Programme International pour le Suivi des Acquis des Élèves), dont nous attendons -en tremblant- les prochains résultats.
Faut-il sacrifier notre idéal republicain à une bien-pensance d'arrière-garde qui ignore les enjeux d’un monde en pleine mutation ? Non plus.
2. Y a-t-il un problème avec les écrans ?
Alors, oui, certains enfants souffrent d’une surexposition qui se construit le plus souvent dans les familles et malheureusement notamment des familles défavorisées.
Les parents peinent à trouver des solutions cohérentes pour faire face aux pratiques numériques de leurs enfants, pratiques qu’ils ne comprennent pas la plupart du temps.
Ils sont nombreux à demander à être accompagnés sur ces sujets, et, de ce point de vue là - c’est ce que montre la recherche - l’école a un rôle à jouer pour réduire la fracture numérique et sociale. Un rôle majeur.
Un rôle d’éducateur et de construction de la citoyenneté. Pour apprendre aux enfants, dès leur plus jeune âge, à évoluer dans la société numérique.
Je vous renvoie à la sixième Réplique : Les écrans, c’est le mal !
3. Outils numériques et performance éducative : la posture enseignante…
Les outils numériques sont également indispensables : leur performance est reconnue pour l'apprentissage et notamment sur les sujets de pédagogies différenciées (la prise en charge de la spécificité du profil d’apprentissage de chaque élève) sur les compétences fondamentales dont il est essentiel de mesurer l’acquisition.
Ces enjeux de performance éducative et d’inclusion sont le ciment de notre école républicaine.
Ce qui est épineux voire grinçant, c’est que l’intégration croissante du numérique augure une redéfinition du rôle de l'enseignant (dans un contexte de pénurie et de difficile formation des professeurs) mais cette redéfinition ne date pas d’aujourd’hui.
Et alors que le chercheur Philippe Meirieu définit la différenciation comme «le souci de la personne sans renoncer à celui de la collectivité», il ne faudrait pas renoncer au collectif.
4. Le sujet de l’inclusion
Pour les milliers d’enfants privés d'Auxiliaires de Vie Scolaire (AVS) dans les écoles et dont les parents errent de MDPH (Maisons Départementales pour les Personnes Handicapées) en commissions éducatives en attente de rééducation, de matériel ergothérapeutique, de dispositifs d’aide à l’inclusion scolaire (assistance vocale, claviers spécifiques, aménagements sans compter ceux à besoins éducatifs particuliers.
Pour les 60% d’élèves de 4ème dont les compétences écrites sont jugées insuffisantes aux évaluations nationales comme le rappelle justement le Ministre Gabriel Attal.
Pour les décrocheurs. Ils sont 110 000 jeunes à sortir du système scolaire sans diplôme. Nombre d’entre eux sont en très grande difficultés à l’écrit, faute de prise en charge et de différenciation pédagogique, c'est-à-dire faute de formation numérique spécifique en relation avec leurs compétences.
Pour les enseignants enfin, abandonnés à leurs salles informatiques vétustes et dysfonctionnelles. Des enseignants obligés de mendier à la mairie des tablettes obsolètes sur lesquelles ils viennent installer les ressources numériques payées avec leurs propres deniers, désespérés qu’ils sont que quelqu’un leur finance une aide si nécessaire à la prise en compte de l'hétérogénéité de leur classe surchargée.
Alors oui, cela avance, mais ne nous trompons pas de combat.
5. Le mot de la fin
Le catastrophisme délétère ne mène à rien. Pas plus qu’un optimisme naïf.
Essayons entre les deux, de construire le chemin d’une pensée responsable, inclusive et ambitieuse. Nous en avons tous besoin.
Le mythe de l’usage excessif des écrans associé aux troubles du développement est largement répandu dans les médias et dans l’opinion publique. Les écrans ne sont qu’un “révélateur” de problèmes sociaux plus profonds.