Bonjour à toutes et à tous.
Mercredi 23 octobre 2024 et voici ma quinzième Réplique.
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La rentrée s’est bien passée, quoi que très dense de notre côté : France Digital Day (la jolie photo avec Mathieu Nebra, le cofondateur de Openclassroom), les élections de Edtech France et surtout des milliers d’enseignants à guider et dorloter sur Plume.
Cette semaine, faisons un pas de côté : à quoi sert l’école ?
Jeudi dernier, j’ai eu le plaisir d’assister la soirée de clôture de la deuxième promotion de l’accélérateur passerelles qui accompagne des edtechs à la rencontre de l’écosystème. Les différents lauréats présentaient leurs avancées ; c’était sincèrement réjouissant. L’occasion pour chacun d’évoquer ce que serait pour lui l’école de demain, l’école en 2030.
Différents intervenants (d’une grande qualité du reste) faisaient la liste de ce que nos élèves devraient y apprendre : les compétences psycho-sociales, les fondamentaux, la culture citoyenne, le numérique, le bien manger, l’art, une seconde langue, la natation, l’éducation sexuelle, la sécurité routière… (liste non-exhaustive).
Ce qui me frappe, (réflexion partagée avec mon amie, la très brillante Agathe Leproux) c’est qu’en réalité personne n’est d’accord sur qu’on devrait faire à l’école.
Dans le fond, l’école souffre de ce que personne ne sait à quoi elle sert. De mon fils de 15 ans, réfractaire à l’idée de faire du latin et d’être assis sur une chaise toute la journée, en passant par ma grand-mère qui trouve qu’apprendre à faire un budget serait quand même plus utile, jusqu’à nos décideurs politiques qui empilent des réformes et les profs eux-mêmes qui font ce qu’ils peuvent…
L’école souffre de ce que personne ne sait à quoi elle sert : épanouissement personnel, instruction, culture commune, insertion professionnelle ?
On examine des pistes dans la Réplique de cette semaine.
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Au programme de la quinzième Réplique :
De l’école de la vertu à l’école républicaine, l’école sert à instruire (les riches) pour travailler
Vers une démocratisation de l’école ; de l’instruction à l’épanouissement de l’individu
Et l’école de demain ? (le problème de l’incertitude de demain et l’absence de choix clair)
Le mot de la fin
1. De l’école de la vertu à l’école républicaine, l’école sert à instruire (les riches) pour travailler
Au XVIIIe siècle, l’école est essentiellement catholique et les évêques considèrent que l’objectif premier est de « former à la religion et à la vertu. Sans cela les Lumières mêmes deviennent dangereuses. » (Gontard, 1959)
À partir de 1789, le principe de l’instruction pour tous est posé. Condorcet en affirme aussi la nécessité politique : « Un peuple éclairé confie ses intérêts à des hommes instruits, mais un peuple ignorant devient nécessairement la dupe des fourbes qui (…) le rendent l’instrument de leurs projets, et la victime de leurs intérêts personnels. » (Premier Mémoire sur l’instruction publique, 1792)
Avant l’instauration de la gratuité du lycée par la loi du 31 mai 1933, celui-ci scolarisait majoritairement les enfants des catégories aisées qui disposaient des ressources suffisantes. Le lycée avait pour mission de préparer au baccalauréat et de former l’élite de la Nation. Un concours des bourses, très sélectif, permettait à une étroite minorité d’excellents élèves d’origine défavorisée d’accéder dès la classe de sixième au prestigieux lycée.
2. Vers la démocratisation de l’école; de l’instruction à l’épanouissement de l’individu
Le XXe siècle a vu l’école évoluer d’une institution purement dédiée à l’instruction à un lieu où l’épanouissement personnel et social des élèves prend de plus en plus de place.
L'une des étapes majeures de cette démocratisation fut l'instauration de l'école obligatoire jusqu'à 16 ans en 1959. L’accès au lycée est transformé. Alors que, dans les années 1930, la scolarisation au lycée reste encore un privilège, la fin du XXe siècle a vu un effort massif pour ouvrir les portes du secondaire à toutes les couches de la société. Les années 1970 ont marqué le début de la « massification scolaire ». Le nombre d’élèves dans les lycées et les collèges a explosé, et l’objectif de 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat, fixé en 1985 par Jean-Pierre Chevènement, a symbolisé cette volonté de démocratiser l’éducation.
Parallèlement à cette ouverture, l’école a vu ses missions se diversifier. Dès les années 1960, l’enseignement uniquement centré sur l’acquisition des connaissances est questionné, on met en avant l’importance de l’épanouissement individuel. Il est alors question de l’élève non plus seulement en tant qu’apprenant, une personne en devenir, avec des besoins émotionnels, sociaux et civiques.
Des disciplines comme l’éducation civique et morale, le sport ou l’art, prennent alors plus d’importance. L’éducation nationale veut inculquer aux élèves des valeurs de respect, de solidarité, et de tolérance, afin de former des citoyens capables de comprendre les enjeux de la démocratie et de jouer un rôle actif dans la société.
Mais le rôle même de l’école fait toujours l’objet de débats : doit-elle avant tout instruire, ou doit-elle jouer un rôle plus large dans la formation de l’individu et du citoyen ? Ces questions ont pris de l’ampleur à mesure que les attentes sociales vis-à-vis de l’école ont augmenté. Au fur et à mesure, l’école s'est retrouvée responsable de nombreux autres aspects de la vie de l'enfant : de la santé mentale à l’alimentation, en passant par l’éducation sexuelle et l’apprentissage du numérique.
3. Et l’école de demain ? (le problème de l’incertitude de demain et l’absence de choix clair)
Ce qu’on peut dire, sans dire que c’était mieux avant, (voir la Réplique sur cette thématique) c’est qu’avant le monde était monolithique.
On passe d’un monde régi par le religion (faire des enfants de bons petits chrétiens, surtout les riches) à un monde régi par le travail (faire de nos enfants de bons petits travailleurs instruits, avec une massification des personnes à faire travailler).
La difficulté est que le monde d’aujourd’hui est mouvant. Le diplôme (quoi qu’un facteur de protection très important) ne garantit pas un avenir radieux et les compétences du monde professionnel ne sont, pour la plupart, pas apprises à l’école et porte chaque individu à se former par lui-même et tout au long de la vie.
Ce n’est pas que l’école ne veut pas enseigner ce dont l’individu a besoin (même si elle rencontre des difficultés certaines à le faire) c’est qu’elle ne peut pas ! Ces compétences sont beaucoup trop mouvantes pour cela.
Paradoxalement, il n’y a jamais eu autant de savoir disponibles mais cette quantité croît elle-même de manière exponentielle de sorte que les habiletés des individus sont difficiles à référencer.
Les compétences de demain sont celles qui permettront aux individus de s'adapter aux défis complexes d'un monde en constante évolution.
Le mot de la fin
Je vous renvoie au rapport : “quelle finalité pour quelle école ?” publié en septembre 2016 par France Stratégie qui met en lumière les contradictions auxquelles le système scolaire français fait face. En dépit des nombreuses réformes, l'école française peine à répondre aux multiples exigences sociales, économiques et culturelles.
Y sont mis en avant :
1. Les attentes déraisonnables des Français envers l'école : Historiquement, l'école est perçue comme un pilier de l'unité nationale et se voit attribuer une responsabilité dans des enjeux tels que le chômage des jeunes, la cohésion sociale, et les inégalités. Cela engendre une surcharge d'objectifs pour les enseignants et les établissements scolaires.
2. Un système éducatif figé dans une finalité méritocratique : Malgré la pluralité des missions affichées, le rapport constate que l'école française s'oriente principalement vers la sélection des élites par un système uniforme et centralisé. Ce modèle tend à renforcer les inégalités sociales en n’offrant pas assez de flexibilité pour s'adapter aux divers besoins des élèves. Rappelons que le système français est l’un des plus inégalitaires…
3. Des enseignants mal formés et dévalorisés : Les enseignants se sentent isolés dans leur mission. Ils sont confrontés à un manque de formation continue adaptée à leurs besoins et à des attentes souvent contradictoires entre éducation formelle et soutien pédagogique. La Réplique sur ce sujet est ici.
4. Les finalités conflictuelles du système éducatif : Le rapport identifie plusieurs finalités, chacune ayant un impact différent sur l'organisation scolaire. L'école actuelle privilégie la transmission de savoirs standardisés au détriment de la personnalisation des parcours et de l'accompagnement des élèves vers leur épanouissement personnel ou leur insertion professionnelle.
5.Trois modèles idéaltypiques pour l'école :
- Un modèle axé sur la préparation au monde professionnel, intégrant des collaborations avec les entreprises locales.
- Un modèle centré sur l’accomplissement de la personnalité des élèves, où chaque élève construit son parcours éducatif en fonction de ses intérêts.
- Un modèle basé sur la transmission d'une culture commune, visant à fournir les mêmes savoirs à tous les élèves, sans distinction, pour renforcer la cohésion nationale.
6. La nécessité d’un choix clair : Le rapport conclut qu’il est crucial de prioriser les finalités de l’école pour sortir de la confusion actuelle. Il suggère que le système éducatif pourrait être repensé pour mieux articuler ces différentes finalités sans tomber dans une juxtaposition inefficace des objectifs.
Ainsi, la réflexion proposée invite à dépasser la finalité méritocratique dominante et à explorer des alternatives plus adaptées aux besoins sociaux, économiques et personnels des élèves.
En résumé, comment former tout le monde de façon égalitaire (ce qui est impossible au vu de la diversité sociale) et former aux compétences les plus importantes ?
Ce qui est certain c’est que l’école ne peut pas tout faire et que les familles, et la société doit prendre sa part.
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Vraiment inspirant de comprendre plus en profondeur la complexité de ce problème !
J’aimerais beaucoup voir des comparaisons avec d’autres modèles éducatifs en Europe ou même dans les écoles privées - je vais creuser. 🤍
Enfin je suis complètement alignée il est temps que d’autres acteurs prennent leur part de responsabilité.
Merci Aude Gueneau pour cette lettre éclairante. Je vois les difficultés pour une association ou une entreprise a se fixer une mission et des objectifs clairs, j'imagine comme c'est compliqué pour une telle institution comptant plus d'un million de collaborateurs, avec en plus l'instabilité a sa tête ! Est ce que le premier enjeu n'est pas la gouvernance, et donc la décentralisation ?